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La guerre pour sauver l’ordre international par Oscar Fortin
Mais de quel ordre international s’agit-il?
Dans une déclaration, datée du 8 novembre, le grand patron du Pentagone, Ashton Carter, déclarait ceci : « Les États-Unis réfléchissent à de nouvelles variantes de dissuasion de la Russie qui défie l'ordre international. Selon M. Carter, Washington entend s'opposer à Moscou par tous les moyens, y compris militaires. » Le message ne prête à aucune confusion, sauf qu’il ne nous dit pas en quoi consiste cet « ordre international ». Comment savoir si cette approche est celle qui répond le mieux aux attentes des peuples et des nations ? Jusqu’à quel point cet ordre international pour lequel ils sont prêts, si nécessaire, à une guerre totale, rejoint-il véritablement les grands principes des Nations Unies qui fondent la Charte des droits de la personne et des peuples ? Les réponses à ces questions éclaireront inévitablement les motifs de ceux qui défient cet ordre international voulu et défendu par les États-Unis et ses alliés. Quel est donc cet « ordre international » qui plaît à Washington et à ses alliés ?
Dans un article du Monde diplomatique, daté de 2003, Sami Naïr introduit sa réflexion sur le nouvel ordre mondial par ces mots : « C’est au nom d’un “nouvel ordre international” que George Bush père avait mené la première guerre du Golfe. Douze ans après, son fils prépare la seconde sous le signe de l’unilatéralisme agressif, qui caractérise l’action de Washington dans les domaines de l’armement, de la justice internationale, de l’environnement, du commerce, des droits de la personne... et des guerres préventives. »
Cet énoncé résume assez bien l’ordre international qui caractérise l’approche de Washington dans ses relations avec les autres peuples du monde. Si au début de ce siècle, l’appui inconditionnel de l’Europe ne lui était pas acquis, aujourd’hui c’est maintenant chose faite. La France, l’Allemagne, la Belgique et les forces de l’OTAN sont entrées dans le rang et font front commun avec les États-Unis dans ses guerres de conquête. C’est particulièrement le cas pour ses interventions en Libye, en Syrie, en Ukraine et contre la Russie. Nous pourrions également y ajouter ces nombreuses interventions contre les pays émergents de l’Amérique latine, dont le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur et bien d’autres…
Les États-Unis et ses alliés se font tous solidaires d’un ordre international unipolaire et centrique placé sous leur gouvernance. Ainsi, l’Empire, appuyé par ses alliés, est en mesure d’exercer son hégémonie sur le monde et de s’imposer comme juge et partie des lois et des droits. À ses yeux, l’ONU n’est qu’une référence à mettre à contribution lorsqu’elle permet de renforcer ses interventions dans le monde. Autrement, elle devient une référence négligeable sans importance dans la poursuite de ses projets de conquête et de domination. Il en est ainsi en Irak, en Libye, en Syrie, en Ukraine, au Venezuela et dans bien d’autres pays du monde.
Que les pays membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine. Afrique du Sud) et bien d’autres défient cet ordre international, cela peut se comprendre. Par contre, il est important de regarder ce qu’ils ont à proposer en échange.
L’Ordre international qui plaît à la Russie et à ses alliés L’Ordre international dont se font les promoteurs la Russie et ses principaux alliés (BRICS) se présente sous l’angle d’un monde multipolaire et multicentrique où les peuples sont souverains et les États indépendants. Les regroupements régionaux constituent des prolongements de cette souveraineté des peuples dans le partage des diversités et dans la solidarité des complémentarités. Dans tous les cas, le bien commun des peuples ainsi que leurs intérêts nationaux et internationaux sont au cœur de ce nouvel ordre international. C’est à tout le moins ce qui est voulu et souhaité. Je vous réfère à un article intéressant sur ce nouvel ordre international.
La Russie et la Chine défient l’ordre international voulu par Washington en revendiquant le respect du droit international tel qu’il s’exprime dans la Charte des droits des Nations Unies portant sur les personnes et les peuples et les États. En termes concrets, ils s’opposent à un ordre international qui se caractérise par plusieurs facteurs dont les plus importants peuvent se résumer ainsi : Le caractère hégémonique d’un pouvoir central non démocratique La prédominance des intérêts de ce pouvoir sur tous les autres intérêts Le non-respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le non-respect de l’indépendance des États. Le non-respect des droits des pauvres, des démunis, des déshérités, des opposants à leur hégémonie. La consécration du « capitalisme sauvage », des pouvoirs financiers, des industries militaires, principales sources de la pauvreté et des guerres dans le monde.
Lorsque le chef du Pentagone accuse la Russie de défier l’Ordre international, c’est à cet Ordre, voulu par l’empire, auquel il faut penser. L’Ordre international qui existe présentement est plutôt un désordre international qui se caractérise par la distorsion de la réalité humaine, sociale, politique, économique. Il y a l’anarchie des puissants qui contrôlent la finance, l’industrie militaire, les moyens de communication, les multinationales qui ont mainmise sur les deux tiers des richesses de la planète, etc. Il y a tous ces gouvernants, marionnettes de ces derniers qui se permettent d’envahir des États souverains, de renverser des gouvernements démocratiques, d’agir selon leurs intérêts sans prendre en compte celui des autres.
Les pays émergents d’Amérique Latine, d’Afrique, d’Asie et ceux du BRICS disent non à ce désordre international tout en disant oui à ce monde multipolaire, multicentrique où les peuples et les nations seront respectés dans leur diversité, leur souveraineté et leur indépendance.
Je conclus avec cette conviction que les options relatives à l’ordre international font appel à deux mondes qui sont présentement aux antipodes de l’un et de l’autre. Il y a l’hégémonie du 1 % qui ne souhaite aucunement se départir de son pouvoir de domination du monde et il y a le cri des 99 % qui ne saurait tolérer plus longtemps qu’il en soit ainsi. Dans la situation actuelle, je prétends que la Russie et les pays émergents sont beaucoup plus à l’écoute de ce cri des 99 % que de celui du 1 %.
Oscar Fortin Le 10 novembre 2015 |