AFP La main de Moscou derrière les offensives en Ukraine? C'est ce ce qu'affirment ou laissent entendre plusieurs responsables occidentaux, après plusieurs attaques menées samedi. Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira en urgence cette nuit. Les actions séparatistes menées samedi pour prendre possession de plusieurs bâtiments publics, dans l’est de l’Ukraine, laisse planer peu de doute, à l’ouest, sur l’origine de ces offensives. Ces attaques portent les «signes d’une implication de Moscou», a jugé dimanche l’ambassadrice américaine à l’ONU Samantha Power, menaçant de nouvelles sanctions si celles-ci continuaient. «Cela porte tous les signes de ce que nous avons vu en Crimée, c’est professionnel, c’est coordonné. Rien de local là-dedans. Dans chacune des six ou sept villes où elles sont actives, ces forces font exactement la même chose. Donc sans aucun doute, cela porte les signes d’une implication de Moscou», a affirmé Mme Power sur la chaîne ABC. Anders Fogh Rasmussen a dénoncé «la réapparition d’hommes masqués avec des armes russes et des uniformes russes sans insignes, comme lors de l’annexion de la Crimée» et «cela est un développement grave», a-t-il affirmé. «J’appelle la Russie a apaiser les tensions et à retirer les très nombreuses troupes, notamment les forces spéciales présentes dans les zones proches de la frontière» avec l’Ukraine. «Toute nouvelle ingérence militaire, sous quelque prétexte que ce soit, aura pour conséquence d’isoler davantage la Russie sur la scène internationale», a-t-il mis en garde. L’Union européenne, sans accuser directement Moscou d’être intervenu militairement, a sommé la Russie de cesser toutes les tentatives de déstabilisation en Ukraine. La représentante de la diplomatie européenne Catherine Ashton s’est déclarée dans un communiqué «sérieusement préoccupée par les actions entreprises par des hommes armés et des groupes séparatistes dans diverses villes dans l’Est de l’Ukraine». Catherine Ashton a invité une nouvelle fois la Russie a «respecter l’intégrité territoriale du pays», à «retirer ses troupes massées près de la frontière et à cesser toute opération visant à déstabiliser l’Ukraine». Le président ukrainien par intérim, Olexandre Tourtchinov, a accusé dimanche directement la Russie de «mener une guerre contre l’Ukraine», dans une adresse à la nation. «Le sang a été versé dans la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine», a-t-il dit, ajoutant avoir lancé «une opération antiterroriste de grande envergure» pour mettre fin à ces troubles. Kiev avait déjà dénoncé, la veille, une intervention russe dans l’Est du pays. L’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, Samatha Power, a jugé dimanche que les attaques de groupes armés pro-russes dans des villes de l’est portaient «tous les signes d’une implication de Moscou». Samedi soir, dénonçant des attaques «orchestrées et synchronisées», le secrétaire d’État John Kerry avait averti son homologue Sergueï Lavrov que Moscou devrait faire face à des «conséquences supplémentaires» si la tension ne retombait pas. Le vice-président Joe Biden sera à Kiev le 22 avril pour apporter son soutien. Moscou, qui n’a jamais reconnu le gouvernement provisoire pro-européen arrivé au pouvoir après le renversement fin février du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, dément toute responsabilité. Et demande à Kiev de cesser «la guerre contre leur propre peuple», se disant indigné par les menaces du gouvernement de recourir à l’armée pour mettre fin aux troubles. Le Conseil de sécurité des Nations unies, à New York, se réunira en urgence dimanche soir à 20 heures locales (2 heures, heure française) à huis clos pour évoquer la situation, a annoncé l’ONU. Ces «consultations informelles» avaient été demandées un peu plus tôt par la Russie. «QUE DIEU SOIT AVEC NOUS» Ces déclarations interviennent alors que les autorités ukrainiennes ont lancé «une opération antiterroriste (...) à Slaviansk», où un groupe armé pro-russe s’est emparé des locaux de la police et des services de sécurité (SBU). Cette opération a fait «des morts et des blessés des deux côtés», a annoncé le ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov. «De notre côté, un officier du SBU (services de sécurité, a été tué)», écrit Arsen Avakov sur sa page Facebook, évoquant également cinq blessés chez les loyalistes. «Chez les séparatistes, un nombre non déterminé» de victimes, poursuit le ministre. Parmi les blessés côté loyaliste figure «le chef du centre antiterroriste du SBU». Le ministre affirme que «les séparatistes se cachent derrière les populations civiles utilisées comme boucliers humains» et que «les forces du SBU se regroupent». Des photographes de l’AFP présents à Slaviansk dimanche matin n’ont pas entendu de bruits de combats particuliers et ont pu constater que de nombreux civils pro-russes s’étaient volontairement rassemblés autour du commissariat tenu par les insurgés pour défendre les lieux. Les forces séparatistes, bien équipées et organisées mais ne portant aucun insigne et présentées comme des milices locales, y avaient pris le contrôle des bâtiments de la police et des services de sécurité. «Des unités de toutes les forces du pays participent. Que Dieu soit avec nous», a écrit le ministre sur sa page Facebook, avant de recommander un peu plus tard aux habitants de «ne pas sortir et se tenir éloignés des fenêtres». Des hélicoptère survolaient la ville à basse altitude, a constaté un photographe de l’AFP sur place. Une épaisse colonne de fumée noire s’élevait mais le photographe n’a entendu ni tirs ni explosions. A l’issue d’une première série de soulèvements le 6 avril, des insurgés prorusses avaient proclamé à Donetsk, grande ville de l’Est, une «république souveraine», tout en ne contrôlant alors que deux bâtiments. Ils réclament le rattachement à la Russie, ou au minimum une «fédéralisation» de la Constitution ukrainienne pour donner de grands pouvoirs aux régions. Le gouvernement de Kiev refuse, y voyant la porte ouverte à un éclatement du pays, et accepte seulement une «décentralisation». DES ASSAILANTS ÉQUIPÉS D'ARMES RUSSES Ces assauts, menées par des hommes en uniformes non marqués, armés et visiblement bien organisés, ont fait craindre que la Russie, qui a massé jusqu’à 40.000 hommes à la frontière selon l’Otan, ne se saisisse du prétexte de ces troubles pour intervenir sur le territoire de son voisin. Les assaillants sont «équipés d’armes russes et des mêmes uniformes que ceux portés par les forces russes qui ont envahi la Crimée», a ainsi tweeté l’ambassadeur des Etats-Unis à Kiev, Geoffrey Pyatt. Des pourparlers Russie/Ukraine/Etats-Unis/Union européenne sont justement annoncés pour jeudi prochain à Genève, mais la Russie a douché samedi cette lueur d’optimisme en affirmant que rien n’était en fait arrêté, notamment le «format» des discussions. Moscou a insisté pour que les prorusses puissent être représentés et exposer leurs «intérêts légitimes». Le président russe Vladimir Poutine a fait encore monter cette semaine les enjeux de la crise, la pire entre Est et Ouest depuis la fin de la guerre froide, en avertissant qu’elle pourrait mettre en danger les approvisionnements en gaz de l’Europe. Quelque 13% du gaz consommé par l’Union européenne transite en effet par l’Ukraine, qui a des milliards de dollars de dette gazière envers Moscou. Poutine a menacé de cesser les livraisons à l’Ukraine si ce sommes n’étaient pas réglées.
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